Les désordres que nous connaissons aujourd’hui sur le prix de l’énergie et que nous avons connus sur le prix de transport par containers amènent de nombreux économistes, syndicats, partis politiques et dirigeants de gouvernement à envisager de taxer ce qu’il est commun d’appeler “des super profits”. Mais les divergences sont très nombreuses pour quantifier le niveau de “super-profit”. Nous constatons tous que les compagnies maritimes puis pétrolières, pour ne citer que ces deux exemples, affichent des profits records, et parfois qualifiés avec justesse d’extravagants !
La loi du marché et de la concurrence étant érigée en dogme non discutable, beaucoup s’étonnent que certains économistes ou syndicalistes osent envisager un plafonnement des prix. Il leur paraît préférable qu’un pourcentage des profits soit taxé afin de préserver la logique prévalant, alors même que cela ne compenserait aucunement les clients industriels ou privés subissant ces hausses.
Et pourtant le législateur a plafonné les prix du gaz et de l’électricité pour les particuliers et certaines entreprises… Et l’Union européenne a accepté que l’Espagne ait un prix de l’énergie qui ne soit pas indexé sur le prix du marché européen. Le dogme est à géométrie variable…
Parallèlement conscientes du problème, certaines entreprises comme TotalEnergies baissent d’elles-mêmes leur prix à la pompe… Ce qui montre bien que toute entreprise bénéficiant d’une marge exceptionnelle “non raisonnable” peut ajuster son prix pour tenir compte de la capacité de ses clients à acheter son produit. Cela impacte directement son compte de résultat, sa capacité à investir, mais aussi les salaires variables indexés sur le résultat (ce qui n’est visiblement pas le cas ses salariés des raffineries de TotalEnergies).
La crise actuelle est donc un révélateur des dysfonctionnements de notre économie concurrentielle et pose brutalement une question oubliée depuis des décennies : quel est le juste prix ?
Le débat sur ce point faisait déjà rage au Moyen-Âge et n’a cessé de revenir quand la spéculation créait des prix artificiels, décorrélés des prix octroyés aux producteurs et proposés aux consommateurs.
S’interroger sur la chaîne de valeur, sur la marge “raisonnable” de chaque intervenant a permis à des entrepreneurs de créer le concept de commerce Équitable. Leur développement dans le monde entier ne s’est pas fait grâce au régulateur ou à des décisions gouvernementales, mais sur l’accord de consommateurs prêts à “payer le juste prix”. Ne serait-ce pas temps que nos plus grandes entreprises s’interrogent sur la marge raisonnable pour elles et leurs clients ?
Certains diront que le prix reflète le rapport offre/demande et qu’il est illusoire de vouloir l’orienter. Mais nous voyons bien que le niveau d’acceptation par les consommateurs a une limite et que des distorsions extrêmes ont un impact très élevé sur l’inflation des prix et la vie quotidienne de nos concitoyens.
Les grandes entreprises se disent “responsables”, les grands investisseurs envahissent le champ de “l’Investissement Socialement Responsable” ; n’est-il pas temps de reconsidérer aussi le prix des produits vendus pour s’assurer qu’il est ajusté à la capacité d’achat de ses clients ?
Une question centrale pour les investisseurs qui se disent “responsables”.
Olivier De Guerre